Une belle ode à la Lesse sous un courrier à la Ministre Mme TELLIER

Ode à la vallée de la Lesse.
Par la plume d’un amoureux de la basse Vallée.

Un vent favorable me fait parvenir un très joli courrier, envoyé à Madame La Ministre TELLIER.
Je ne résiste pas à vous le soumettre, car franchement, c’est très bien écrit et réfléchi.
Vous comprendrez qu’il faut apprécier ce pamphlet dans le contexte de l’exploitation démesurée par les kayaks de cette partie de vallée sacralisée par les défenseurs de l’environnement, pour ses charmes, sa richesse biologique exceptionnelle et par son cadre naturel de haute valeur.
Le courrier a été publié dans les pages du quotidien Vers L’Avenir.


Date: 5 août 2020 à 16:25:14 UTC+2
Destinataire: cabinet.tellier@gov.wallonie.be
Objet: Vallée de la Lesse

Madame là Ministre,

J’espère que ce mail vous parviendra personnellement et que vous aurez le temps de le lire, je ne dis pas d’y répondre car vous devez avoir autre chose à faire mais comme vous êtes ministre de l’environnement la problématique développée ci-après devrait vous intéresser.
D’abord je me présente, je suis avocat honoraire, magistrat émérite, j’ai 71 ans et ce n’est donc pas un intérêt personnel qui me pousse à vous écrire mais bien l’amour d’une vallée, la Lesse, que mon père, fondateur du parc national de Furfooz repris maintenant par l’ASBL Ardenne et Gaume, m’a fait découvrir et aimer.
À l’époque le matin il n’était pas rare de voir des chevreuils venir s’abreuver et tant la faune que la flore n’étaient pas dérangés par les quelques dizaines de kayaks qui descendaient chaque jour paisiblement.
Un équilibre existait donc et tant les touristes que les locaux pouvaient profiter de cette exceptionnelle vallée, en toute harmonie et dans un respect réciproque.
Ce n’est malheureusement plus le cas maintenant et les chiffres qui suivent vous permettront de comprendre pourquoi.
Le parcours depuis Houyet «  fait » 21 km et l’unique exploitant actuel, après avoir coulé ses deux concurrents dispose de près de 3000 kayaks ; à bord deux pagayeurs dont il n’est pas exagéré  de dire qu’ils donnent chacun un coup de pagaie tous les cinq mètres ce qui fait, pour les 21 km de descente 4200 coups de pagaie dans l’eau ( ou ce qu’il en reste…).Si on multiplie de chiffre par 3000 kayaks en circulation on en arrive à 12.600.000 coups de pagaie dans l’eau par jour!
Autre chiffre interpellant : les kayakistes ne savent pas , pour la majorité , piloter et comme il y a en outre de moins en moins d’eau ils vont soit heurter des pierres à fleur d’eau ou racler le fond de leur bateau en polyester sur le fond. Indépendamment de l’érosion des berges qui s’effondrent sous les coups de butoir des pointes de bateau ce qui entraîne une diminution du niveau de l’eau ces heurts avec les pierres ne sont pas anodins: on peut sans exagérer écrire que lors de chaque raclement le kayak laisse un gramme de polyester dans l’eau et sur le fond par kilomètre. C’est un chiffre « à minima » mais si vous le multipliez par trois mille embarcations cela nous donne trois kilos de polyester au km fois 21 km de descente et on a 63 kg par jours ou une tonne 890 par mois!!!
Pas étonnant que la faune piscicole ait pratiquement disparu quant à là la faune fréquentant habituellement les rivières on ne la voit plus car il faut savoir que mis à part quelques descendeurs qui se laissent porter par le courant la plupart viennent pour faire la java et embarquent , alors que c’est interdit, des boissons à bord ou fument des joints ce que l’on peut humer très nettement quand il passent à côté de vous.
Signe des temps; maintenant il n’est pas rare de voir à bord des embarcations des baffles alimentés par une musique tonitruante à un point tel que l’on n’entend plus chanter les derniers oiseaux qui chantent parfois encore avant l’arrivée des premiers descendeurs…
Inutile dans ces conditions de vous dire que je mets quiconque au défi de parcourir les nombreuses berges «  abordables » de la Lesse sans trouver  des cannettes de bière ou des capsules et, légèrement en retrait dés bords , du papier de toilette usagé voire des préservatifs…Officiellement il n’y a que 3 ou 4 endroits où les kayaks peuvent aborder…
Dès 10 heures du matin la Lesse ressemble à l’avenue Louise au sortir des bureaux(21km/3000 bateaux = un bateau tous les 7 m…).
La population dinantaise qui fuit la vallée en période estivale, commence à en avoir assez et se révolte de plus en plus en se posant des questions:
1/ pourquoi l’exploitant actuel a t il été le seul à pouvoir lâcher ses bateaux avant tous ses confrères qui étaient fermés en raison du confinement?
2/pourquoi à t il obtenu que le débit minimum pour lâcher des kayaks soit de 1mètre cube 50 à Gendron alors que sur toutes les autres rivières wallonnes il est de deux mètres cubes – comme à Houyet d’ailleurs alors que cette localité est en amont…la Lesse coulerait elle à l’envers?
3/pourquoi à t il pu déboiser un hectare sur son aire d’embarquement
pourtant située en zone nature 2000 ?
4/pourquoi à t il profité de la dernière nuit (je dis bien nuit )du dernier chômage de la Meuse pour construire sans autorisation sur une partie banale de la rivière un quai de débarquement de deux cents mètres ?
5/pourquoi le rapport du DNF, agrémenté de photos, est il toujours dans les tiroirs de l’administration alors que le pauvre malheureux qui abat un arbre sans autorisation se retrouve au tribunal?
Je crois Madame, que quand on réalise un chiffre d’affaire de 120.000 euros par jours (3000 kayaks à 40 euros de moyenne)on peut dégager des moyens pour financer sa politique…

Le grand argument de l’exploitant est de dire qu’il crée des dizaines d’emplois;si vous vous donnez la peine de lire les chiffres de l’ONSS  vous constaterez qu’il déclare à peine 20 emplois temps plein pour toutes ses activités confondues car il exploite également un parc d’aventures dans la carrière du Penant et une des deux sociétés de bateaux mouche sur la Meuse. Pour le reste on ne trouve que des contrats d’étudiants.

Voici Madame ce que je voulais vous dire et ce que pense la majorité des dinantais fatigués, ulcérés par l’arrogance de quelqu’un qui se croit au dessus des lois.
Nous sommes les premiers à reconnaître que cet exploitant est courageux et travailleur; ce que nous reprochons est le caractère tentaculaire de son entreprise qui exploite pratiquement la moitié de l’année un nombre de kayaks que la rivière ne peut supporter. La vallée est vraiment mise à sac.
Sitting Bull’chef indien que vous devez connaître disait avec beaucoup de sagesse: « une grenouille ne boit jamais toute l’eau de sa mare »c’est à méditer je crois car on est en train d’assister à une mise à mort, pour le profit d’un seul, d’une des plus belles vallée de Belgique et nos enfants nous reprocheront à juste titre de n’avoir rien fait quand il était encore temps.
Sans vouloir tuer cette exploitation il serait si simple de limiter le nombre de kayaks à cinq cents ce qui permettrait encore à l’exploitant de dégager un beau bénéfice.
Sans vouloir tuer cette exploitation il serait logique de relever le débit minimum du tronçon Gendron Anseremme et le mettre à deux mètres cubes ce qui est le niveau minimum de toutes les rivières de Wallonie ou la pratique du kayak est autorisée.
Si cela n’est pas fait quelle responsabilité porterons nous vis à vis de nos enfants et pourrons nous les regarder en face, sans baisser les yeux?
C’est précisément pour pouvoir supporter le regard de mes petits enfants et leur dire »j’ai fait de que j’ai pu » que je vous au adressé la présente en espérant ne pas vous avoir trop ennuyée et vous remerciant de m’avoir lu jusqu’au bout.
Je n’attends pas de réponse mais suis à votre disposition ou à celle de vos collaborateurs si un jour vous vouliez vérifier sur place l’exactitude du contenu de la présente et découvrir cette superbe vallée que peut-être j’aurai contribué à protéger par cet écrit puisque je n’ai pas , comme vous, le pouvoir de faire changer légalement les choses.

Croyez Madame en l’expression des espoirs de ceux qui comme moi estiment que la terre ne nous appartient pas…

Gauthier Gérard